Par Cyprien Hachard

La réforme des retraites de 2023 a traité d’un sujet peu mis en avant dans les médias : les expositions professionnelles à ce qu’on appelait avant les « facteurs de pénibilité », actuellement nommés « facteurs de risques professionnels » par le code du travail.

Ce régime a fait plusieurs fois l’objet de révisions, mais quel est-il à l’heure actuelle ?

Aujourd’hui, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de la réforme des retraites 2023, il fonctionne comme suit : Le salarié exerce un métier déclaré « pénible » c’est-à-dire qui l’expose à un ou plusieurs facteurs listés dans la loi, au-delà des seuils d’intensité et de durée prévus par décret (articles L. 4161-1 et D. 4161-1 du Code du travail). Ces facteurs sont au nombre de 10, relevant de trois catégories : les contraintes physiques marquées, les environnements physiques agressifs et certains rythmes de travail.

Les seuils d’exposition à ces facteurs sont assez élevés (exemple : 81 décibels pendant 600h par an pour le bruit). Depuis 2017, seulement 6 de ces facteurs donnent droit au salarié, s’il est exposé à l’un d’eux, à l’ouverture d’un compte professionnel de prévention (C2P) individuel par l’Etat, compte sur lequel il cumule des points en fonction du temps passé sur ce métier pénible (une année complète d’exposition à 1 facteur équivaut à 4 points et une année complète d’exposition à plusieurs facteurs équivaut à 8 points).

Les points cumulés sur ce compte lui donnent accès à plusieurs avantages :

  • De la formation pour une reconversion ou l’exercice d’un métier moins pénible (obligation d’utiliser les 20 premiers points cumulés à de la formation, 1 point donne droit à 25 heures de formation).
  • Une réduction de son temps de travail avec maintien de rémunération pendant maximum 2 ans.
  • Un départ anticipé à la retraite à taux plein au maximum 2 ans avant l’âge de départ normal du salarié et accessible à partir de 55 ans. Dans ce dernier cas, 10 points permettent de financer un trimestre de majoration d’assurance vieillesse (dans la limite de 8 trimestres donc).

https://www.inrs.fr/demarche/penibilite/ce-qu-il-faut-retenir.html

Par ailleurs, un salarié atteint d’une incapacité permanente entre 10 et 19% en raison de l’exposition à des facteurs de risque professionnels (de pénibilité) pendant au moins 17 ans, a aujourd’hui droit à un départ anticipé à la retraite à partir de 60 ans.

De plus, un salarié atteint d’une incapacité permanente d’au moins 20% en raison d’une maladie professionnelle a également droit à une retraite anticipée à partir de 60 ans, sans avoir à justifier de 17 ans d’exposition.

Mais alors que prévoit la réforme des retraites 2023 sur ces régimes ?

A compter du 1er septembre prochain, elle vient établir plusieurs mesures :

  • Le C2P peut être utilisé non seulement pour financer une action de formation, mais aussi pour un bilan de compétences ou une validation des acquis de l’expérience dans le cadre d’un projet de reconversion professionnelle.
  • Un décret doit définir le nombre de points auxquels donnent droit les expositions simultanées à plusieurs facteurs de risques professionnels.

Contrairement à aujourd’hui où le nombre de points cumulés est soit de 4 soit de 8 par ans pour une exposition à 1 ou à plusieurs facteurs, le nombre de points serait ainsi multiplié en fonction du nombre exact de facteurs de risques professionnels auxquels le salarié est exposé et la limite des 100 points devrait de plus être supprimée.

  • Les conditions pour bénéficier d’un départ anticipé à la retraite pour incapacité seront également allégées puisque le salarié atteint d’une incapacité entre 10 et 19% n’aurait plus à justifier de 17 ans d’exposition mais de 5 ans seulement.
  • Concernant l’âge de départ anticipé pour incapacité, il reste fixé à 2 ans avant l’âge légal, c’est-à-dire 62 ans à compter du 1er septembre (décret du 3 juin 2023).

Plusieurs décrets sont encore attendus pour préciser et détailler les modalités de ces mesures. Ce qu’on peut toutefois observer, c’est une légère évolution du régime de la pénibilité en faveur de la protection des salariés qui y sont exposés, bien que cette évolution soit à relativiser étant donné le report de l’âge légal de départ en retraite.

Pour donner de l’existant à cette protection des salariés exposés rappelée par la réforme, les employeurs concernés par l’exposition à ces facteurs de risques dans leur entreprise ont tout intérêt à initier ou à renforcer la mise en place d’une réelle politique de prévention et notamment si possible par la négociation d’un accord collectif d’entreprise sur le sujet avec les partenaires sociaux afin de permettre la mobilisation de tous les acteurs.