Ou la nécessité de prévenir les tensions interpersonnelles en entreprise

par Claire Grégoire-Soto

Date : 27-05-2021

Dans un rapport de 2017 (Etude – Le temps de travail : de sa durée légale aux vécus quotidien), la Fondation Travailler Autrement souligne que le travail devient de plus en plus abstrait et relationnel, et que la révolution numérique brouille les frontières entre les temps professionnels et privés. Alors que nous observons l’individualisme à l’œuvre dans nos sociétés, paradoxalement, la dimension relationnelle du travail est une expérience qui ne cesse de s’imposer à nous. Chacun pourra compter le nombre de réunions, d’entretiens, de visioconférences, d’appels, de mails sur cette semaine dernière ! Nous sommes encordés, solidaires comme les alpinistes à l’assaut d’un sommet, comme les poutres d’une charpente, pour reprendre l’image de Pierre-Yves Gomez.

 

La crise sanitaire : révélatrice des défaillances de nos régulations

Or, la relation à l’autre est exigeante ; et dans l’activité contrainte du travail, elle devient un réel défi pour nos organisations. Il est possible d’aborder le problème du côté individuel en mettant en œuvre des actions de développement des compétences relationnelles, les fameuses soft skills. Mais cela n’est pas suffisant. Même avec des managers parfaitement formés et des salariés finement sélectionnés, les tensions sont inévitables dans une société humaine. Il est dès lors indispensable de disposer de canaux de régulation sociale capable d’identifier les irritants, de les traiter ou, du moins, de les faire remonter, afin de trouver des solutions avant que les problèmes ne deviennent des tensions, et les tensions des crises. Or, la pandémie et ses conséquences ont largement mises à l’épreuve nos leviers institutionnels de régulation : en première ligne nos managers, et nos instances représentatives du personnel.  Cette crise sanitaire a mis le doigt sur les défauts de régulation de nos organisations.

L’explosion des alertes et des signalements

Pour preuve : Reseuro n’a jamais été autant sollicité pour former aux difficultés relationnelles les membres de directions, les managers, les élus, les référents harcèlement, que dans les douze derniers mois. Nous n’avons jamais été autant missionnés pour conduire des médiations interpersonnelles ou collectives, ou encore pour mener des enquêtes suite à des signalements de harcèlement moral ou sexuel. Les désajustements que cela révèle ne consistent pas en des épiphénomènes, elles viennent interroger la capacité de nos entreprises à embarquer les équipes autour d’une vision, à fédérer les énergies au service des projets de l’entreprise, et souvent à détecter et traiter les facteurs de conflits relationnels.

Au-delà de la gestion du risque juridique et dans une perspective de relance, alors que les salariés retrouvent leurs collègues « bon gré ou mal gré », il est temps que nos organisations se penchent sur une politique de prévention globale intégrant des mesures de fond pour assainir la culture d’entreprise, des actions d’information et de formation pour accompagner les acteurs de la régulation sociale, et enfin l’élaboration et la diffusion de dispositif d’alerte et de traitement des irritants afin de traiter au plus vite les situations qui dégénèrent.